C’est l’histoire d’un petit garçon qui ne sourit jamais. Mathieu à 7 ans, il est en CE1. Il n’est plus avec les petits à présent et tous les enfants de sa classe ont à peu près le même âge. Il a de très bonnes notes et se distingue par ses bons résultats mais … Mathieu ne sourit jamais.

C’est assez problématique pour l’institutrice car elle utilise régulièrement l’humour comme outil pédagogique. Elle aborde les sujets par des histoires drôles afin de capter l’attention des enfants. Mais lorsque toute la classe est aux éclats de rires chaleureux, seul Mathieu, assis dans le fond, reste stoïque et regarde sans émotion la maitresse.
Mathieu a su gagner le respect de ses camarades par ses bonnes notes et surtout par l’aide qu’il leur apporte dans les exercices commun et du coup plus personne de fait attention à ce que Mathieu ne sourit pas.
Sa maitresse est inquiète. Comment un enfant de son âge peut-il être insensible aux émotions ? Car à part le fait qu’aucun sourire ne se dessine sur son visage, la peur, la colère ou la tristesse sont des émotions aussi complètement absentes

Elle éprouve beaucoup d’empathie pour Mathieu et ressent le besoin de lui venir en aide. Un jour, après avoir donné un travail à faire en groupe à la classe, elle se rapproche de Mathieu et se met à l’abri des oreilles indiscrètes.

– Dis moi Mathieu….
– Oui Madame ….
– Quelque chose ne va pas ?
– Non Madame
– Bien ! je suis rassurée … et tout va bien avec tes camarades ?
– Oui Madame
– Et tu sens bien ici avec nous ?
– Oui madame
– Très bien Mathieu, je suis contente. Et à la maison comment cela se passe avec ta maman et ton papa ?
– Très bien Madame
Elle lui prend la main et attire son regard.
– Comment te sens-tu ici avec tes camarades ?
– Bien, j’aime bien venir à l’école !
– Oui je vois cela, tu n’es jamais en retard et tes notes sont très bonnes ! Félicitations !
– Merci madame, je peux aller travailler ? , et il rejoint son équipe pour le travail de groupe.

A la fin de la journée, la maitresse rassemble les travaux et Mathieu l’aide pour ranger la classe. Elle en profite pour reprendre la conversation du début d’après-midi.

– Tout se passe bien à la maison Mathieu ?
– Très bien, Madame dit- il tout en continuant le rangement d’une manière exemplaire
– Mathieu…
– Oui madame
– Regarde-moi s’il te plait
Il la regarde dans les yeux se demandant s’il avait fait une bêtise
– Je vois les enfants souvent rires aux éclats dans la classe, se mettre en colère et pleurer de chaudes larmes mais chez toi, rien, jamais de sourire, jamais de colère, jamais de tristesse…. Je ne comprends pas… tu peux m’expliquer si tu veux bien ?
– Madame je ne sais pas rire, me mettre en colère ou pleurer…. Je peux y aller à présent ?
– Oui, oui…..

L’enfant disparut dans la cour de récréation et attendait avec impatience comme les autres enfants la venue de ses parents. “Je ne sais pas rire, pleurer ou triste” se répéta-t-elle. Comment un enfant ne peut-il pas avoir d’émotions ? Qu’est ce qu’il y a bien pu lui arriver ? Et à la maison, ses parents auraient dû le voir ?…

La maitresse se posa un nombre infini de question et cogita ainsi toute la nuit. Le lendemain, elle décida de convoquer ses parents afin d’en avoir le cœur net et des réponses à ses nombreuses interrogations.
Les parents de Mathieu furent étonnés de cette convocation. Les résultats de Mathieu à l’école sont excellents et au niveau comportement il n’a que de bonnes remarques. Bizarre.

Ils acceptèrent et se rendirent ensemble, le père et la mère à cette convocation à l’initiative de la maîtresse.
Ils arrivèrent à l’école dans leur tenue la plus soignée et stricte qu’ils pouvaient avoir. Le paraître pour eux est un élément important sur l’emprise de la personne.

Monsieur, vêtu de son costume 3 pièces noir fraichement sortir du pressing, aucun pli, brillant, des souliers sérés éclatants, un gilet noir dont nos arrières grands parents seraient jaloux , une chemise d’un blanc aveuglant et une fine cravate noir coiffée d’une barrette en or qui permet de la maintenir droite sur la chemise. Les cheveux coupés courts, coiffés en arrière, une couche de gel pour leur donner une forme droite, stricte et brillante. Un regard poignant, froid et déstabilisant fixait la maitresse dans le profond de ses yeux.

Madame était vêtue de son tailleur deux pièces bleu marine. Le haut est très bien dessiné laissant présager d’un grand couturier. Elle portait un chemisier blanc, coiffé de dentelle, tous les boutons étaient fermés jusqu’à la gorge. Sur celle-ci, un collier en or avec un motif identique aux boucles d’oreilles. Elle sortait probablement du coiffeur, son chignon était impeccable et laissait imaginer par sa taille une coiffure énorme. Elle était maquillée d’une manière légère juste ce qu’il faut pour que son regard soit pénétrant et glacial. Sa jupe était assez longue, les genoux étaient cachés. Elle avait des hauts talons aiguilles qui laissaient une emprunte à chaque pas sur le parquet.

Ils entraient dans la classe, d’une allure décidée, se dirigeaient vers la maitresse qui les attendait assise sur une chaise, elle avait préparé la rencontre en mettant trois chaises en cercle.
Elle fut surprise d’abord par l’attitude des parents de Mathieu et se demandait s’ils ne sortaient pas tout droit d’une répétition d’un film d’Agatha Christie !
Ils se sont installés devant la maitresse et un long et interminable silence s’installa. Le papa pris la parole ne premier.

– Bien, pourriez-vous nous expliquer les raisons de cette rencontre ?
– Nous sommes étonnés car notre fils n’en a nullement toucher mot
Ajouta la maman. La maitresse sentit ces paroles somme des couteaux et elles la transperçaient de part en part. La gorge nouée elle mit un petit temps à reprendre ses esprits puis elle répliqua :
– Je suis inquiète pour Mathieu….
– Que se passe til ? il a fait quelque chose de mal ? son comportement est reprochable ?
S’exclama le papa en prenant la main de sa femme, elle-même étonnée
– Non….. rassurez-vous, répondit-elle avec un ton bienveillant, j’ai une pédagogie particulière avec les enfants et pour les faire participer et les intéresser j’utilise souvent des outils comme les histoires ou du théâtre d’improvisation.
– Très belle méthode, madame, enchaina le papa et cherchant l’acquiescement de la maman du regard
– Merci….. cette méthode me permet de les détendre et après une séance de rires ils sont plus facilement à l’écoute…
– Oui, et quel rapport avec Mathieu demanda la maman
– Et bien…. Tous les enfants parfois rient, pleurent ou se mettent en colère sauf Mathieu, aucune émotion, il reste toujours stoïque devant toutes mes interventions.
– Madame, repris le papa, Les émotions sont des marques de faiblesse qui permettent de se faire manipuler, se faire juger et nous empêche d’être intègre. Nous éduquons notre fils afin qu’il puisse faire face à toutes sortes de manipulations. Nous lui interdisons les émotions à la maison et nous lui apprenons à ne pas en avoir à l’extérieur.
– HA….. répondit la maitresse, vu comme cela…. je respecte votre choix et votre manière d’éduquer votre enfant.

Elle dû faire un effort sur humain pour ne pas leur dire que bloquer les émotions d’un enfant est une chose horrible et indigne des parents. Mais elle ne dit rien et pris congés des parents de Mathieu.
Comment peut-on interdire à un enfant d’être joyeux, d’être triste, d’être en colère…. Des pratiques dignes du moyen âge et encore !

La maîtresse passa ne soirée et une nuit à se morfondre. C’est une torture psychologique pour Mathieu. C’est tellement bien fait et orchestré que le pauvre enfant ne s’en rend même pas compte. Comment lui faire comprendre? Son père et sa mère sont si important pour lui, ce sont ces piliers et il a besoin de leur cadre et de leur éducation.

Le lendemain, une idée de génie apparut à la maîtresse. Elle va apprendre les émotions à Mathieu et tant pis pour ses parents. Au moment de la récréation, elle demanda à Mathieu de rester un peu avec elle. Comme d’habitude il accepta sans ronchonner et se tient au garde à vous devant le bureau de celle-ci, la fixant dans les yeux comme lui appris son père.
Elle éprouva beaucoup d’empathie pour lui. Elle se leva et contourna le bureau. Elle invita ensuite Mathieu à s’assoir en face d’elle.

– Mathieu, j’ai besoin de ton aide. Es-tu d’accord ?
– Oui madame
– Je dois expliquer quelque chose de difficile à la classe et pour y arriver j’ai besoin d’un assistant.
Mathieu se sentit grandir d’un seul coup, dans ses yeux on pouvait apercevoir des larmes de bonheur se constituer mais très vite il reprit le dessus et regarda fixement la maitresse afin d’en savoir plus
– J’aimerais apprendre à toute la classe les émotions, ce que c’est et ce qu’on ressent
– C’est quoi une émotion Madame, demanda Mathieu ?
– Je ne vais pas t’expliquer car cela prendrait beaucoup de temps par contre je vais te les faire ressentir … tu es d’accord ?
– Oui Madame dit-il très emballé par la nouvelle expérience
– Il y a beaucoup d’émotions mais je vais me concentrer sur les plus importantes, commençons par la joie…
– La joie ?
– Oui, donne-moi ta main et ferme les yeux.
Mathieu s’applique à la tâche. Elle souffle un air chaud sur le dos de la petite main très doucement et l’effleurant à peine.
– Qu’est ce que cela te fait ?
– C’est chaud…
– Et …
– Un truc bizarre le long de mon bras…
– C’est plaisant ?
– Ho oui…. Cela chatouille
Un sourire se dessine sur sa bouche et il ouvrit les yeux
– Ben voilà, tu as ressenti l’émotion de la joie
– Ouahhhh, l’enfant se frotte la main en souriant et regarde la maitresse
– Peut-on continuer ?
– Ok, ferme les yeux et imagine ton plus beau jouet dans ta chambre, le vois tu ?
– Oui, un gros camion pompier rouge mais il est dans une vitrine je ne peux pas le toucher…
– Pas grave, imagine que tu as la clef de la vitrine et que tu amènes ton camion de pompier à l’école
– Oh ! tous les enfants le regardent, il est très gros !
– Très bien, à présent imagine qu’un camarade le prend et le fait tomber sans le faire exprès
– Ha non, pas mon camion, il les leva d’un coup sec et claqua ses mains sur ses jambes, il ouvrit ensuite les yeux avec un air agacé
– Qu’est ce que cela t’a fait ?
– J’ai eu mal au ventre puis j’ai eu besoin de crier pour dire non, on ne touche pas à mon camion
– Très bien, cela s’appelle la colère….
– Ha….. j’aime moins bien celle la…..

La maitresse ne peut s’empêcher de rire, oui Mathieu, souvent la colère est l’émotion la mal aimée….
La maitresse continua ainsi avec la peur et la tristesse. Mathieu était heureux, il découvrait de nouvelles sensations jusque-là inconnues et cela lui plaisait énormément.

Ensuite elle lui donna un rôle d’acteur et devant les enfants de la classe il devait jouer les émotions.
Durant le reste de la journée Mathieu s’exécuta. Il montra un talent digne d’un professionnel qui surprit la maitresse. Chaque émotion, il l’a joua comme il l’avait ressenti.

C’était un cadeau pour lui et cela lui faisait un bien immense. Les autres enfants l’écoutèrent et avalaient ses paroles. Son intervention les faisait rires à chaudes larmes. L’émotion de la colère fut plus difficile à jouer mais il y arriva, il leur a fait vivre ce qu’il avait vécu avec la maitresse, juste en fermant les yeux.

Des moments de tristesse et des larmes sont apparues dans tous les yeux lorsqu’il a joué l’émotion de la tristesse. La maitresse lisait une histoire triste de Victor Hugo et Mathieu mimait l’enfant qui perdait la vie à la fin de l’histoire. Enfin, là ou il s’est éclaté c’est en jouant l’émotion de la peur, les visages étaient crispés et on sentait comment les enfants étaient captivés par le jeu de Mathieu tout en étant effrayé !

Ce fût une très belle journée, la maitresse fut heureuse d’avoir pu faire ressentir les émotions à Mathieu et très contente que toute la classe ait participé d’une manière si intense que chaque émotion se ressentait dans l’atmosphère de la petite pièce.

Elle remercia Mathieu en le serrant dans ses bras, il n’en revenait pas, il ressentait de la joie et la tristesse en même temps

– C’est normal que je pleure et que je suis contant en même temps ? demanda t’il
– Oui….. et aimes-tu cela ?
– Oh ouiiiiiiiiiii, il partit en courant de joie rejoindre ses camarades et attendre ses parents

C’est la gouvernante qui est venue récupérer Mathieu à l’école. Comme elle ne parlait jamais à Mathieu il ne pouvait pas lui raconter ce qu’il venait de vivre et lui expliquer les émotions. Soudain sur le chemin du retour il se posait la question :

– Mais vais-je pouvoir le dire à Papa et Maman ? il avait très peur de leurs réactions mais il les aimait comme ils étaient.

Du coup, il lui vient une superbe idée. Et si je jouais comme au théâtre ?
Il s’exécuta, il jouait à la maison l’enfant sans émotion, stoïque et froid comme son père et sa mère lui demandait d’être et à l’école il se lâchait de plus en plus et vivait ses émotions. Ses parents n’ont jamais su que Mathieu connaissait l’effet des émotions.

Son talent d’acteur était tel qu’il ne se trahissait jamais….

Ainsi se termine l’histoire de l’enfant qui ne souriait jamais…. Et vous ? Comment vivez-vous vos émotions ?