C’ést l’histoire d’un petit garçon, Paul, qui a une amie, une marionnette avec une tête en porcelaine. Cette marionnette était très fragile et apportait à l’enfant la douceur et tout l’amour dont il a besoin lorsqu’il était à ses côtés.

L’enfant prenait soin d’elle, la chérie le matin avant d’aller à l’école, la plaçait sur son lit avec un doux baiser avant de partir. Le soir il était pressé de la retrouver pour lui parler de sa journée, de ses rencontres, de ses soucis. Une amitié hors pair s’était installée entre eux.

Le père de Paul était très autoritaire. Pour lui le travail et la droiture devaient être au-dessus des sentiments et le mot amour n’avait aucune résonance.

Il était sans cesse derrière Paul : “Tiens-toi droit, ne parle pas à cette marionnette ! Un homme c’était dur et impartial ! Le travail et les objectifs sont prioritaires ! Les sentiments et l’amour c’est pour les filles !”

Pas une journée où le père de Paul ne surgissait brutalement dans sa chambre pour lui demander les devoirs, de ranger le bois coupé, d’effectuer des travaux de jardinage.

“Tu verras mon, fils, plus tard tu me remercieras, dans la vie il n’y a que travail, tu dois réussir dans la vie, prouver que tu es capable d’être le meilleur, montrer que tu es toujours le premier !”

“Laisse cette marionnette ridicule, tu dois devenir un chef ! Tu dois montrer l’exemple ! Je veux être fier de toi mon fils !”

Paul essaya, le soir avant de se coucher, de profiter des courts moments avant que le sommeil mérité le gagne pour partager un peu de douceur avec sa marionnette. Que ferait-il sans elle ? Une question qui l’effrayait à chaque fois qu’il ferma les yeux.

Un jour Paul tomba malade, il ne put aller à l’école. Il resta à la maison avec sa mère et sa marionnette allait lui tenir compagnie toute la journée. Il était content car il n’avait jamais eu l’occasion de pouvoir faire des choses avec sa mère dont la présence de la marionnette ne gênait guère.

Son père rentra plut tôt que d’habitude sachant son fils malade et surtout sachant qu’il aurait dû faire toute une série de tâches de servitude. Il fut pris de fureur de voir Paul en compagnie de sa maman en train de faire des pâtes à sel et la marionnette posée sur la table les contemplant de ses grands yeux bleus ouverts.

Il entra dans une colère terrible et Paul pris de panique s’enfuit dans sa chambre. Dans la précipitation il lâcha sa marionnette dans les escaliers. Celle-ci tomba de tous les étages et s’écrasa sur le plancher où la tête en porcelaine éclata en mille morceaux.

L’enfant fut catastrophé, sa maladresse a brisé la chose à laquelle il tenait le plus au monde. Impossible de recoller les morceaux, seule à présent restait l’image dans son esprit. Il pleura des nuits et des journées entières, refusa de s’alimenter, s’enferma dans un silence total et se culpabilisa de la perte de son amie. Il n’a pas pu empêcher ce drame, pas pu la protéger, elle était perdue à jamais sans espoir de nouveau de lui parler, de partager un sourire, des mots, des regards…. Il fut très triste, longtemps, très longtemps…

Il n’y a pas un seul moment de son existence où ses pensées ne reviennent vers sa marionnette bien aimée. “Et si j’avais dit non à mon père ? si je n’avais pas eu peur ? si je n’étais si obstiné dans la réalisation de mon avenir que m’obligeait mon père à avoir ? Aurais-je pu la sauver ?

Elle n’était plus là. Elle ne pouvait pas répondre.

“Je ne saurais jamais si elle me pardonne. Ma maladresse l’a détruite à jamais.”

Le petit garçon évolua dans sa vie de jeune garçon avec cette douleur qui lui pesait de jours en jours.

Devenu grand, Paul rencontra de jolies femmes avec lesquelles il eut de belles relations. Mais son éducation et les idées de son père le poussaient toujours à aller plus loin professionnellement et de délaisser sans cesse ses compagnes, les rendant triste, les détruisant psychologiquement au point que chacune se sentait obligée de le quitter afin de se protéger.

Chaque rupture provoquait chez Paul autant de douleur que la perte de sa marionnette. Il aurait aimé faire autrement mais les idées incluses en lui prenaient à chaque fois le dessus et le scénario se reproduisit sans cesse. A aucun moment il sut apporter de l’amour à sa compagne, de peur de le briser, de le voir partir un jour suite à un comportement trop délaissant pour elle. Il souffrait beaucoup intérieurement mais ne savait pas comment mettre fin à ce périple et comment se faire pardonner pour toutes ces femmes qu’il avait blessée, fait du mal, d’autres qu’il avait brisées.

Les années passèrent et les épreuves de ruptures douloureuses finirent par détruire Paul.

Sa carrière professionnelle était exemplaire. Il réussissait dans tout ce qu’il entreprenait. Il avait réussi à entrer dans une grande entreprise. Son premier poste fut un travail de manutention dans un service d’expédition. A force de courage et de détermination il apportait des idées pour perfectionner son outil de travail Très vite il fut apprécié de ses supérieurs et grimpaient les échelons. Mais, à quel prix. Il emmenait du travail le soir, se concentrait sur des projets le week-end. Ce fut ainsi toute sa vie, le travail avant tout et sa vie sentimentale en souffrait en permanence. Un soir, à l’issue d’une nouvelle rupture, il se balada le long d’un pont afin de faire un “break” comme il disait. De lâcher prise. Mais ce soir, il ne lâcha pas prise comme d’habitude, un film passa dans sa tête, il revu toute son existence défiler. Ce fut terrifiant, il était acteur, metteur en scène, producteur de sa vie, de son histoire, de son film. Des larmes prenaient place et coulaient à flot: “Mais qu’ais je fais ? Que suis-je devenu ? Pourquoi tant de souffrances à ces personnes qui m’aimaient ?”

Alors, un soir d’hiver, il décida que c’était le moment de mettre fin à ses souffrances et d’arrêter de faire souffrir les autres. Il décida de se rendre au bord d’un lac gelé.

Il s’était renseigné sur l’hypothermie et savait que s’il entrait dans une eau très froide il suffirait de quelques minutes pour que la vie le quitte à tout jamais. Il connaissait précisément le déroulement: il aurait très froid au début, puis la sensation de froid disparaîtrait par l’engourdissement, il regarderait une dernière fois les étoiles puis s’évanouirait. L’engourdissement total provoquerait l’arrêt de sa respiration et il coulerait doucement dans les eaux profondes et froides sans douleur, sans stress et sans regret.

Décidé et conscient des risques, il laissa sur le rivage une lettre d’adieu destinée aux personnes qu’il aimait afin qu’elles ne le jugent pas. Sa lettre donna les raisons de son acte.

Il regarda les étoiles, le ciel était dégagé de nuages comme s’il attendait sa venue. Il se remémora les plus beaux moments de son existence, se rappela des mauvais et récita à haute voix le nom de chaque personne ayant souffert à ses côtés et lui implorait le pardon. A chaque nom, c’était comme s’il revivait les événements et une délivrance.

Il se sentait ridicule devant le fait qu’il n’avait jamais su aimer autant qu’il avait pu aimer sa marionnette. Mais, c’était ainsi, se disait-il, parfois la vie sourit à certains, parfois elle était obscure pour d’autres. Le moment était venu pour lui de mettre fin à ses souffrances et à celles des autres, il était rassuré car il ne causerait plus jamais de mal à qui que ce soit.

Les souvenirs étant revenus à la mémoire comme un livre ouvert, il le ferma. Il entra doucement dans l’eau glacée et avança jusqu’à avoir de l’eau à hauteur des genoux. Il sentait le froid piquant et terrible le surprendre. La douleur de brûlure lui faisait peur. “Ce sera douloureux se disait il ! Tant pis”.

Il n’alla pas plus loin, l’eau était très froide et ses pieds commençaient à s’engourdir”. La sensation de froid montait lentement dans le corps. Il grelottait mais ne quittait pas des yeux les étoiles et attendait simplement que l’hypothermie fasse son effet et fasse arrêter son cœur. Il sentait celui-ci battre très fort pour lutter contre le froid mais l’engourdissement avait atteint à présent les jambes qu’il ne sentait presque plus. Le point de non-retour était bientôt atteint, il savait que lorsque l’engourdissement aurait atteint le bassin aucun retour n’était possible et la fin était de ce fait inévitable. Il n’avait pas peur, il savait qu’il allait revoir sa marionnette et pourrait passer le reste de l’éternité à l’aimer.

Il regarda ses mains devenues blanches et sentait sa respiration diminuer. Les battements du cœur faiblissaient d’intensité. Il regarda une dernière fois les étoiles, fixait celle qui brillait le plus et demandait pardon à sa marionnette de ne pas avoir été à la hauteur ce jour-là.

Il fixait l’étoile si fortement que celle-ci finit par se détacher du ciel. Elle se dirigeait vers lui et durant un instant il crut que c’était lui qui avait quitté ce monde pour rejoindre le ciel. Mais ce n’était pas lui, pas encore. L’étoile continua de descendre et plus elle s’approchait plus elle brillait, plu la chaleur se faisait sentir sur le visage de Paul.

L’étoile continuait de descendre très vite et à quelques mètres au-dessus du centre lac elle s’arrêta brusquement. Elle se tourna vers Paul et s’approcha lentement éloignant la sensation de froidure et le réchauffant ainsi de tout son corps.

Paul resta sans voix, pétrifié à la fois par la peur et par l’étonnement de ce qui lui arrivait. La petite étoile s’arrêta devant lui et une magie ne nulle part la transforma en une jolie petite fée. Paul la regarda et la fixa avec une grande admiration, la petite fée était toute blanche, vêtue d’une longue robe et d’un voile sur les cheveux. Des ailes d’anges lui permettaient de garder une stabilité et de se maintenir à la hauteur de Paul. Dans la main droite, elle tenait une baguette coiffée d’une étoile couleur or et scintillante. Elle le regarda dans les yeux, lui souris. Sourire que Paul ne put résister à lui rendre. Paul s’imagina qu’il rêvait et tendit doucement la main en direction de la fée.

Celle-ci le regarda fixement puis soudain donna un coup de baguette sur la main de Paul qui s’approchait. Quelque chose d’extraordinaire se produisit. La marionnette de Paul, celle qu’il avait laissé tomber, apparut dans sa main. Elle donnait l’impression de flotter dans l’air et ses petits pieds reposaient sur le creux de sa main. Paul fut très surpris, comment cela puisse arriver ? Par quelle magie ? Son cœur se serra si fortement qu’il avait l’impression qu’il allait éclater. La marionnette le regarda dans les yeux et lui fit un sourire. Elle n’avait jamais souri auparavant, c’était une marionnette, les marionnettes ne sourient pas !

Paul lui rendit le sourire et une chaleur énorme envahit son corps, une sensation de bien-être, une chose qu’on ressent chaque fois que nous sommes en présence de la personne qu’on aime. Il pensait rêver, que ce rêve était le début de la fin de son calvaire et que sa marionnette venait tout simplement le chercher. Il était heureux, il aurait tant donné pour voir une dernière fois sa marionnette.

Soudain, la marionnette ouvrit la bouche et se mit à parler:

“Bonsoir Paul, je suis contente de te revoir. Je suis venue ce soir car il était important pour moi d’échanger quelques mots dans ces moments difficiles que tu traverses. J’ai suivi ton existence depuis l’incident où je me suis brisée. Il fut difficile et parsemé d’embûches. Ce soir, il est temps que les mots se disent afin de soigner les maux. Tu m’as demandé et ceci très régulièrement de te pardonner. Mais pardonner de quoi ? Tu n’as rien fait de mal. Tu ne m’a pas jeté délibérément, je suis juste tombée. Je ne peux te pardonner ce fait, tu ne peux  pardonner à toi-même, c’était juste un accident.

Tu dois accepter cela comme un élément du sort, un élément de ta vie et en aucun cas te détruire moralement. Si tu te pardonnes, alors tu pourras continuer à penser à moi sans avoir mal car je serais à jamais gravée dans ton cœur. Ta façon de vivre, ton obstination dans le travail et le sentiment de devoir prouver aux autres était certes la cause de ta maladresse mais ce n’est pas de ta faute si des adultes te demandé d’être comme cela.

Les échecs répétés avec tes rencontres ne sont que des signes pour que tu puisses comprendre que tu n’étais pas sur le bon chemin de vie. Tout n’est pas perdu, si tu te pardonnes, si tu enlèves les barrières éducatives mises sur toi, tu verras la lumière et tu sauras aimer comme jamais tu n’as aimé. Tu sauras protéger comme tu m’as protégé.

Le bonheur est au fond de toi, pas chez les autres. Il suffit de t’écouter, d’accepter et rebondir sur des expériences réussies ou non. Enlève tes barrières Paul, écoute ton cœur, aime toi et tu aimeras.

Ce n’est pas le moment pour toi de venir me rejoindre, il viendra ce moment mais pas de suite. En attendant je continuerais à demeurer dans ton esprit et tu penseras à moi avec le sourire et non plus avec les larmes.

Au revoir doux compagnon.”

La marionnette s’effaça doucement, la fée s’éloigna pour redevenir une étoile et retourna dans le ciel. Paul senti une énorme chaleur suite à ces paroles. Un sentiment de soulagement et de paix. L’envie de vivre de nouveau le gagna et regonfla ses poumons. Il sortit de ce lac gelé, sec, comme si rien ne s’était passé, comme si le temps s’était arrêté à cet instant, avant d’entrer dans le lac.

Paul aujourd’hui est marié. Il a cessé de chercher à prouver ce qu’il valait. Il a cessé de mettre en avant sa carrière professionnelle. Il a rencontré sa femme et lui apporte attention et amour. Ils passent le plus de temps possible ensemble. Il a appris à aimer et partager cette découverte avec son épouse.

Aujourd’hui, le mot bonheur a un sens pour lui et tous les soirs, avant de se coucher, il regarde les étoiles et dit à voix basse : Merci.

Cette histoire est imaginaire mais n’y a t’il pas un Paul caché au fond de chacun d’entre nous….